Texte de Valérie Martin

Nichée au bord du lac Memphrémagog, l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac, entreprise adhérente au regroupement Souvenirs de cueillette est un joyau architectural et spirituel de la région. Mais saviez-vous que ses vergers sont aussi un exemple remarquable de biodiversité agricole ?

Même si la récolte des pommes n’est qu’à l’automne, le printemps est une période idéale pour visiter ce lieu enchanteur : vous verrez au loin les pommiers sont en fleurs, les sentiers des prières longeant les vergers vous invitent à la contemplation, et la nature s’éveille doucement sous l’œil attentif de Dominic Perron, coordonnateur aux vergers et à l’aménagement paysager.

Nous avons rencontré ce passionné pour découvrir sa vision de la biodiversité et l’engagement de l’abbaye à protéger la nature qui l’entoure.

Un parcours enraciné dans l’environnement

Originaire des Cantons-de-l’Est, Dominic Perron a toujours œuvré dans le domaine environnemental. D’abord impliqué dans la protection des berges contre les algues bleues, il s’est ensuite tourné vers l’horticulture, où il a travaillé dans divers vergers et milieux agricoles.

Titulaire d’un diplôme en technologie de la production horticole et de l’environnement, avec une spécialité maraîchère, il a mis en pratique ses connaissances autant sur les terrains de golf que dans les zones agricoles. Partout où il passe, il applique des principes durables : bandes riveraines, prés fleuris, aires protégées. Aujourd’hui, il met son expertise au service d’un lieu emblématique, l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac, où nature et spiritualité cohabitent harmonieusement.

La biodiversité, une symphonie naturelle où l’humain joue sa note

Pour Dominic, la biodiversité est un tout : les plantes, les insectes, les animaux… et les humains. « Il faut inclure l’humain dans l’environnement. C’est son milieu de vie, et il mérite d’être sain et agréable. » Inspiré par les valeurs bénédictines et l’amour des moines pour la création divine, Dominic transforme chaque coin du verger — même les zones les plus ingrates — en oasis de vie : floraisons autour des caps rocheux, refuges pour la faune, sentiers de contemplation.

À l’Abbaye, aucun herbicide n’est utilisé, et les insecticides ont presque disparu. L’équilibre naturel fait le travail : pollinisateurs indigènes, oiseaux insectivores, renard, hôtels à insectes… Dominic agit comme chef d’orchestre, laissant la nature jouer sa partition.

À ceux qui souhaitent imiter ce modèle, Dominic recommande d’y aller graduellement : installer des nichoirs, faire appel à des clubs agroenvironnementaux, inclure les jeunes dans des projets éducatifs. « Chaque petit geste compte. Ce n’est pas toujours coûteux, mais cela demande de la volonté et de la constance. »

Crédit photo: Abbaye Saint-Benoît-du-Lac

Une reconnaissance exceptionnelle pour un verger d’exception

En août 2024, l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac a été la première entreprise agricole du Québec à recevoir la reconnaissance de niveau « exceptionnelle » pour la biodiversité de la part du Club conseil Gestrie-Sol. Cette reconnaissance est le fruit de plusieurs années d’efforts :

  • Création d’îlots de biodiversité autour des caps rocheux

  • Installation de nichoirs et d’abris à auxiliaires

  • Utilisation raisonnée de fongicides à faible impact

  • Protection des zones humides et des sols

À cela s’ajoute une certification de la Fédération canadienne de la faune pour un habitat accueillant à la faune. Dominic souhaite d’ailleurs obtenir une nouvelle reconnaissance chaque année, afin d’inspirer d’autres agriculteurs à suivre cette voie.

Un verger vivant : quand la faune reprend ses droits

Grâce à ces efforts, le verger de l’Abbaye est devenu un écosystème riche :

  • Un renard y a élu domicile, contrôlant les populations de micro-mammifères

  • Des oiseaux insectivores comme les merles bleus, hirondelles et troglodytes prospèrent grâce aux nichoirs

  • Des guêpes parasitoïdes, chrysopes et coccinelles régulent les insectes nuisibles

  • Des dindes, visons et autres petits mammifères participent à l’équilibre naturel

Même les pratiques d’entretien paysager sont revues : les branches mortes sont laissées en place pour abriter la faune, et les plates-bandes sont nettoyées uniquement au printemps pour ne pas détruire les habitats hivernaux.

Un contemplatif au service de la terre

Travailler avec la nature apporte aussi son lot d’anecdotes : Dominic qui klaxonne pour faire fuir les dindes ou qui parle à ses arbres amuse les moines… mais témoigne de sa connexion profonde avec le lieu. C’est un amoureux de la nature, un contemplatif dans l’âme. Il travaille pour que le verger soit un milieu de vie agréable autant pour les moines que pour les visiteurs.

Est-ce que ces pratiques influencent le goût des fruits? Selon Dominic, peut-être pas sur le plan gustatif, mais certainement sur le plan moral : « La pomme a le même goût, mais elle est tellement plus satisfaisante à manger quand on sait qu’elle a été produite en harmonie avec la nature. » Avec plus de 27 variétés de pommes, ainsi que des poires et des prunes, le verger de l’abbaye est un lieu d’abondance… et de conscience.

Le verger de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac est bien plus qu’un lieu d’autocueillette. C’est un sanctuaire vivant, où chaque arbre, chaque fleur et chaque animal a sa place. Cet été, promenez-vous sur le sentier des prières, admirez les nichoirs, les fleurs, les aménagements écologiques, et laissez-vous inspirer par ce modèle d’agriculture en harmonie avec la nature.

Dans la beauté de la paix… et de la biodiversité.